Ryoko Tamura-Tani, judo star
SERIE Ils feront l’année 2008 (4/5).
De notre correspondant à Tokyo Michel Temman
QUOTIDIEN : jeudi 27 décembre 2007
Elle aurait pu être pianiste, ou joueuse de tennis. C’est en tout cas ce qu’avaient imaginé ses parents qui, jusqu’à ses 7 ans, lui avaient tracé un itinéraire à leur idée un peu plus noble. Aujourd’hui, à 32 ans, c’est dans la sueur des kimonos que la Japonaise Ryoko Tamura-Tani est devenue une icône nationale, avec un palmarès aux allures encyclopédiques : deux titres olympiques et surtout sept couronnes mondiales, dont la dernière décrochée à Rio cet automne après deux ans d’absence et un bébé.
De quoi faire exploser une popularité déjà inégalée au Japon. Originaire du Kyushu (de la préfecture de Fukuoka, dans le sud du pays) ce petit bout de femme de 1,46 m (un record en judo) a également fait montre d’une longévité inimaginable. Comme si, depuis ses premières armes à 7 ans où elle avait remporté une médaille en dominant cinq garçons, elle savait que rien ne pouvait l’arrêter. Ryoko s’est révélée en 1991 au tournoi de Fukuoka. Depuis elle n’aura perdu que cinq combats… dont la finale de Barcelone en 1992 face à la Française Cécile Nowak, pour la grande entrée du judo féminin aux Jeux.
Teigne japonaise. Depuis, dans le milieu, on connaît plutôt cette foudre sous le nom de Tamura. Certaines championnes en savent quelque chose. Jossinet notamment qui, à sept reprises, a trouvé la petite teigne japonaise sur sa route et s’est cassé les dents, souvent de justesse. La première fois, c’était à Chiba lors des championnats du monde en 1995. Tout comme aux mondiaux d’Osaka, puis aux Jeux d’Athènes… et enfin à Rio cette année.
Ryoko peut aussi se vanter d’être la seule judoka de haut niveau à avoir déroulé sa carrière exclusivement en moins de 48 kg. «A quinze ans je pesais 42 kg, déclarait-elle en 2004. A Barcelone en 92, j’en pesais près de 46. Pour gagner en puissance et combattre en moins de 48 kg, j’ai dû beaucoup manger.» Tamura n’aura donc pas connu les problèmes de régime de ses adversaires. Un atout maître en judo. Dès sa première victoire aux mondiaux de 1993, un surnom va coller à la jeune femme : «Yawara-chan». Il est emprunté à un célèbre manga de judo. «Cela signifie doux-souple, expliquait-elle dans une de ses rares interviews. J’étais à l’école primaire quand ce manga est sorti. Quand j’ai remporté mes premiers championnats du monde, c’était un peu mon rêve de petite fille qui se réalisait. Les gens m’ont naturellement associée à ce personnage.» Les qualités du personnage lui vont comme un gant. Pour compenser sa petite taille et conserver toute sa vitesse, Ryoko utilise une arme dont la judokate parle peu : son entraîneur, Akira Inada. Celui qui l’entraînait lors de ses débuts au judo et qui était déjà conscient, alors qu’elle pesait à peine 20 kilos, de son mental en acier et de son extraordinaire force physique.
Nul doute, également, que sans le soutien indéfectible de la Fédération japonaise de judo, laquelle a investi de gros moyens sur ses judokas, il y a déjà de longues années, Ryoko Tamura, reine de sa catégorie, ne serait pas allée aussi loin. Car depuis des années, l’équipe nationale travaille un style de combat qui lui est propre, centré sur le renforcement de «la technique de kumite et de judo basé sur les ippons». Et à chacun de ses combats, la vive Ryoko ne fait aucun cadeau, appuyant tant et plus ses techniques.
Quelques mois avant les Jeux de 2004, Ryoko Tamura décide d’épouser le joueur de base-ball Yoshitomo Tani (une star de l’équipe des Yomiuri Giants). Le couple se marie civilement début décembre près de Kobe puis embarque pour Paris, la ville où la jeune judoka avait disputé son premier tournoi à l’étranger alors qu’elle n’avait que 14 ans. Le mariage a lieu à l’église américaine. La noce coûtera trois millions de dollars, et sera suivie par 20 millions de téléspectateurs. La popularité de Tamura est phénoménale. Elle apparaît dans d’innombrables spots publicitaires, devient l’égérie de publicité pour les voitures. Certains lui voient même un destin sur le grand écran. En fait, Ryoko est totalement prise dans l’engrenage médiatico-commercial.
Blessure. Rien de tout cela ne l’a arrêtée sur les tatamis. Juste après son fastueux mariage, elle remporte l’or d’Athènes sous le nom de Tani (le nom de son mari) : un pari qu’elle s’était juré de mener à bien malgré une blessure à la cheville contractée un mois plus tôt. Blessure qui aurait été fatale à toutes ses adversaires.
Une autre olympiade s’achèvera à Pékin en août. L’occasion d’un autre défi pour la star : « L’année olympique devient naturellement dynamique pour moi et m’encourage à penser que je décrocherai l’or.» Ryoko répond à une horlogerie toute particulière : celle de son sport, plus particulièrement mis en lumière à chaque tournoi olympique. Malgré son palmarès, on sent bien qu’elle s’enivrerait bien d’une nouvelle médaille d’or à l’occasion des cinquièmes Jeux de sa carrière. Qu’est-ce qui la fera lutter ? «Décrocher une troisième médaille d’or. Cette fois en tant que maman.